Tourmenté

La figure d'un homme qui me trottait dans la tête depuis un moment. Une nouvelle création à laquelle j'ai pris plaisir à m'essayer et que j'ai eu du plaisir à réaliser. C'est toujours gratifiant de mettre sur papier une création à laquelle on pense depuis un moment, encore plus quand c'est un travail d'équipe.

L'idée

Cette photo ne réinvente en rien la photographie. Elle ne raconte pas non plus une histoire qui n'a jamais été racontée auparavant. Cependant, elle est importante pour moi.

Elle est importante pour moi parce que j'avais envie de faire cette photo depuis un certain temps, depuis quelques années en fait. J'aime l'esthétique de l'image bien sûr, la façon dont les visages se fondent les uns dans les autres, et comment les traits de chaque corps se détachent à certains endroits pour révéler ce qu'il y a derrière. L'agitation, ou la disparition magique d'une partie du corps, est assez séduisante.

Un homme tourmenté par quelque chose, qui semble sourire, pleurer, crier tout à la fois. Ou peut-être pas, peut-être pense-t-il, médite-t-il et observe-t-il, ou peut-être souffre-t-il, est en paix et se languit du passé. Son tourment peut être simplement le mélange d'émotions très contradictoires. De nombreuses personnes sont en proie à des pensées contradictoires particulièrement dévorantes et ont l'impression d'être une personne à un moment donné et d'en devenir une autre l'instant d'après.

C'est également important pour moi en raison de ce que cette figure exprime. Les tourments psychologiques sont, tout comme la religion, un sujet très couramment représenté dans l'art. Les artistes souffrent souvent de diverses formes de troubles psychologiques, car leur esprit fonctionne de manière très différente. Heureusement, je ne suis pas un grand artiste et je ne souffre donc d'aucun trouble psychologique. Mais je sais ce que c'est que de penser différemment parfois et de souffrir d'une forme de sur-complication ou de sur-pensée. Votre cerveau vole dans tellement de directions, il devient difficile de s'accrocher à la réalité, et vous n'arrivez souvent pas à vous débarrasser de la quantité astronomique d'idées qui fourmillent dans votre esprit. La seule chose qui m'aidait, enfant, était de dessiner. Alors, je suis devenu l'enfant discret, et les idées ont commencé à prendre plus de place dans ma tête.

Mon art m'aide. Je le partage avec les autres, non pas parce que je veux partager mon histoire, mais parce que je veux partager ma vision du monde.

La technique

Les deux facteurs importants de l'image étaient la répétabilité et l'environnement.

Tout d'abord, il était important de réaliser plusieurs prises de vue de la même figure dans des poses légèrement différentes. La première fois que j'ai essayé, j'ai pensé que ce serait une bonne idée d'obtenir une longue exposition dans laquelle le sujet passerait d'une pose à une autre et resterait quelques secondes dans ces poses pour les imprimer sur le capteur. Cela aurait créé plus de contraste sur les trois expressions faciales que je voulais, les faisant ainsi ressortir. Mais il s'est avéré que ma photo était surexposée, et qu'en essayant de rester immobile, il était assez difficile de réaliser la photo de cette manière. C'est pourquoi j'appelle cela un travail d'équipe, nous en avons discuté, nous nous sommes adaptés et nous sommes passés à autre chose.

Nous avons plutôt pris plusieurs clichés des trois mêmes expressions tout en veillant à ce que le buste reste à peu près au même endroit afin de mieux aligner les épaules et les marques du t-shirt.

Deuxièmement, je devais m'assurer que l'environnement était approprié au type de photo que je voulais. Le fond blanc était crucial, non seulement pour faire ressortir le sujet lorsque je superposais les différentes versions de lui, mais surtout pour garder un décor constant qui me permettrait de superposer plus facilement les surfaces les unes sur les autres sans obtenir d'artefacts.

Une fois la préparation terminée, place au montage. Il s'agissait de réussir à contourner l'objet de masque de la personne avec suffisamment de subtilité pour qu'il ne soit pas évident que j'ai dû le masquer (bien que cela le soit toujours à cause de mon manque de compétences). Un masque, ou objet de masque, est, comme son nom l'indique, un objet lié à un calque fait pour bloquer ou laisser passer des parties dudit calque. L'objectif est de colorier les parties que vous voulez soit cacher (en noir), soit montrer (en blanc). Il s'agit d'un travail subtil de peinture mélangé au bon choix de la brosse.

Ensuite, j'ai placé chaque "version" de lui l'une sur l'autre tout en mélangeant les différentes couches avec le gommage des masques. Une fois que j'en ai été satisfait, j'ai modifié les couleurs et le contraste, en essayant de rendre les expressions du visage claires et sombres à la fois.

J'ai choisi le noir et blanc pour trois raisons. La première est qu'il est techniquement plus facile de fondre plusieurs couches ensemble lorsque les différences sont uniquement basées sur les valeurs et non sur les tons ou les teintes. Deuxièmement, l'absence de couleur transmet pour moi l'idée de quelque chose de passé, ou d'une vision irréelle. Comprimer le temps avec le noir et blanc est, selon moi, un excellent moyen de marquer votre photo dans le passé et de lui donner un aspect nostalgique. C'est souvent trop utilisé, mais bien fait, le noir et blanc peut être très beau, et dans ce cas, j'ai pensé qu'il était pertinent de transmettre un sentiment de nostalgie. Enfin, la raison pour laquelle prendre une telle direction avait du sens pour la photo était que la peau gris foncé dénoterait mieux du fond blanc, et la superposition de ces figures a permis de créer plus de contraste, permettant aux yeux ou aux dents de ressortir davantage que si j'avais gardé le ton original de la couleur de la peau.

Outils

Appareil photo : Canon 1300D

Objectif : 18-55 mm